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Evgueni Prigojine, du scandale à la légende La mort du fonda | Артамонов: Оборона России

Evgueni Prigojine, du scandale à la légende

La mort du fondateur de Wagner ressemble à sa vie: rapide, efficace, brutale. Sa trajectoire terrestre s’est terminée deux mois jour pour jour après le déclenchement de sa rébellion. En quittant ce monde, il est entré sans délai dans la mythologie nationale. Dans une séquence vidéo diffusée après sa mort, Prigojine déclare à ses compagnons d’armes: «Nous allons tous finir en enfer, mais en enfer, nous serons les meilleurs». L’instant d’avant, quelqu’un venait de dire hors cadre: «La mort, ce n’est pas la fin. C’est le début d’autre chose.» Prigojine parlait d’une voix désagréable et revendiquait tous ses actes. Grossier, brutal, mais jamais hypocrite. Il était le contraire diamétral de son modèle et concurrent, le fondateur de Blackwater — organisation bien plus criminelle — Erik Prince, le tueur déguisé en businessman bien propre sur lui. L’homme n’en était pas moins un spadassin, un Vautrin surgi des bas-fonds, un exécutant de basses œuvres. Il ne s’en cachait pas. Pourtant, ce fut aussi un vrai condottiere à l’ère des drones et l’empreinte qu’il laisse témoigne d’une personnalité hors normes, plus complexe et plus profonde que les mortels calibrés que nous sommes devenus. De son vivant encore, la geste qu’il tissait me faisait penser aux Mémoires de Benvenuto Cellini, qui nous ont transmis la Renaissance dans ce qu’elle avait de plus impudique, de plus déchaîné — et aussi de plus inaccessible au jugement moral étriqué de nos contemporains. Le grand art, la poésie, la science s’y écrivaient entre deux filouteries et trois coups de main, sur l’étole des papes dépravés et la chair cambrée des courtisanes. Cet homme étrange était l’une des f igures les plus marquantes de notre temps. Les Russes, en grand nombre, Antipresse 405 l’ont ressenti, lui ont pardonné sa mutinerie et ont allumé des cierges pour le salut de son âme. Je traduis ici, pour l’histoire et la mémoire, deux éloges funèbres particulièrement inspirés qui ne manqueront pas de choquer le lecteur occidental. ALEXANDRE DOUGUINE: «CE N’ÉTAIENT PAS DES HOMMES DE HASARD» Dacha [Daria Douguina, NdT], au tout début de l’opération militaire spéciale, m’avait dit un jour: «Prigojine est tellement fort et confiant, audacieux, tranchant, que personne probablement ne prie pour lui. On n’en a même pas idée. Commençons, nous au moins, à prier pour lui…» Aujourd’hui, nous commémorons (non pas selon le calendrier, mais selon la signification) Moïse l’Éthiopien, Barbe de Lucanie, les sept martyrs de Corfou, le vénérable martyr Antoine de Karyès. Et bien sûr, [le bon Larron,] celui qui a été le premier à se retrouver au paradis(1). Nous n’avons pas remarqué que nous étions passés d’une société rigolarde à un peuple profondément immergé dans la tragédie. Certains l’ont déjà compris dans leur for intérieur. D’autres sont sur le point de le faire. Douleur, chagrin, peine, souffrance, rage écumante: telle est la palette des états d’âme d’une personne normale qui est entrée dans le monde de la guerre. Mais aussi: foi solide, espoir tranquille, volonté qui mûrit, esprit qui grandit, âme qui s’endurcit. (…) Nous sommes en guerre, et la guerre est synonyme de mort. Or Prigojine est entré de plain-pied dans la guerre, il s’y est abandonné. Nul ne peut échapper à la guerre. Prigojine l’a compris avant tout le monde et n’a pas résisté. Il a agi en homme. Et il est mort en homme. De manière générale, le groupe Wagner avait une attitude particulière face à la mort. Il avait coutume de la regarder en face. Un jour ou l’autre, la mort viendra chercher chacun d’entre nous. Et il ne sert à rien de questionner: pourquoi moi? Il y a toujours un pourquoi. Prigojine savait exactement pourquoi. Recueille, Seigneur, l’âme de ton serviteur tué, le guerrier Eugène. Tu sais mieux que quiconque ce qu’il faut faire de lui. Nous prions seulement pour que Ta volonté soit faite. Quand même, si cela est possible, pardonne-lui.